Gardien de but du Racing entre 1986 et 1990, Pascal Olmeta s’est confié pour Racingfoot. Ce personnage charismatique du football français nous parle de son parcours en première division avec les Ciel et Blanc et revient sur son rôle de dernier rempart.
Peux-tu te présenter pour les lecteurs de Racingfoot.
Je suis né en 1961. J’ai évolué au poste de gardien de but. J’ai joué au CA Bastia avant d’aller à Vichy durant trois ans. Après un retour au Sporting Club de Bastia, je suis parti à Toulon. Ensuite le Racing pendant 4 saisons avant de jouer pour Marseille, Lyon, l’Espanyol de Barcelone et enfin le Gazélec Ajaccio.
Raconte nous comment t’es-tu retrouvé à signer au Racing Paris, le nom de l’époque, sachant que le club venait de monter en première division.
Ça s’est fait rapidement. J’avais passé deux saisons à Toulon avec une grosse équipe et des grands noms comme Rolland Courbis, Albert Emon ou Delio Onnis. Rolland Courbis me disait que le club avait des contacts avec le Racing et son président Jean-Luc Lagardère.
Le « grand » Jean-Paul Belmondo, gardien de but à ses heures perdues, qui est mon ami faisait le forcing auprès de Lagardère pour me faire signer. Les choses se sont accélérées et j’ai rejoint le club. J’étais aussi en relation avec Francis Borelli le président du PSG. Il voulait que je signe dans son équipe.
Pour moi jouer au Racing était un honneur avec des joueurs comme Maxime Bossis, Luis Fernandez, Alim Ben Mabrouk au départ puis complété par Pierre Littbarski ou encore Enzo Francescoli.
Les ambitions étaient élevées au début du projet. Sentais-tu qu’il y avait quelque chose à faire avec ce club ?
Le projet était simple : C’était tout gagner ! Lors de la discussion avec le président Lagardère, il m’avait dit que ce ne serait pas une question d’argent, mais une envie de ramener des victoires au club. Gagner, gagner et gagner. Ça m’avait beaucoup plu. S’installer à Paris pour un jeune corse comme moi était très dur mais extraordinaire.
Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné dans ce projet selon toi ?
Je le dis encore aujourd’hui, X années après, il manquait cette âme. On avait quelques-uns des meilleurs joueurs du monde, mais quand on construit une maison, on commence par les fondations. Si tu commences par le toit, la construction ne tiendra pas malgré Olmeta au but, Fernandez au milieu et Francescoli en pointe. Tu pouvais parler football avec l’équipe dirigeante, mais si ça ne répond pas football… C’est ça qui était chiant. C’était instable. On cherchait une identité.
Malgré la descente en D2 lors de la saison 1989/1990, vous êtes finalistes de la coupe de France en battant en demi-finale le grand Olympique de Marseille. Cette épopée-là est-ce ton meilleur souvenir au sein du Racing ?
Je n’ai que des bons souvenirs du Racing. Mais celui-ci est le plus beau. On était une jeune équipe qui n’avait qu’une envie, c’était de se retrouver, de venir à l’entraînement et de ne pas partir rapidement. Le jour où on se prépare pour aller jouer à Marseille, on avait plus mal au cœur qu’autre chose car on vidait nos casiers au centre d’entraînement. On savait qu’on ne reviendrait pas. La victoire au Vélodrome était quelque chose d’extraordinaire.
Il y a un fait marquant dans cette épopée, c’est cette histoire de cheval. Raconte-nous cette anecdote que beaucoup de personnes ignorent peut-être.
C’est ce qu’il manque aujourd’hui. Des joueurs qui fassent sourire le public en faisant le show. À chaque fois qu’on gagnait un match, je disais dans le vestiaire que si on allait en finale, je monterai à cheval lors de la rentrée des équipes sur le terrain. Étant donné qu’on jouait la descente en championnat, nous n’étions pas programmés pour faire un bon parcours en coupe et gagner.
J’ai donc cherché un cheval et je l’ai trouvé. Le jour J, tout le monde attendait ça, mais la fédération me l’a interdit. Pour moi c’était une connerie monumentale. Cela aurait dérangé qui de rentrer derrière le but avec un cheval ou même un âne ?
Ça reste le dernier grand moment du club, il fallait marquer cet évènement.
Pour parler rapidement de la finale, il fallait un gagnant et un perdant. Malheureusement, on était du mauvais côté mais on était là avant tout pour dire merci à tout le monde et surtout pour Jean-Luc Lagardère qui était extraordinaire.
As-tu continué à suivre l’évolution du club après ton départ et aujourd’hui ?
Franchement, non. Le football et moi ça fait deux. Je suis mon fils qui est gardien de but au centre de formation de l’AS Monaco. Pas plus que ça.
Quel genre de gardien de but étais-tu au cours de ta carrière ?
J’étais fou. Je n’avais peur de rien dans ma surface de réparation. Je n’étais pas là pour faire mal à l’adversaire mais pour protéger mon but. J’ai souvent été capitaine dans les équipes où je suis passé donc je vivais les choses à fond.
Je bossais sans arrêt parce que chaque jour est différent et pour rester au haut-niveau, il faut se lever chaque matin avec l’envie d’aller travailler.
J’aimais aussi sortir hors de ma surface. Aujourd’hui si quelqu’un fait ce que je faisais sur le terrain, il est convoqué le lendemain dans le bureau du président. C’est dommage car c’est devenu un peu plus stéréotypé. Je me souviendrai toujours de ce que m’avait dit Artur Jorge quand il était mon entraîneur au Matra Racing. Pour lui, je devais être un second libéro. Je me suis dit : « wahou voilà quelqu’un qui connait le football ». Jouer haut, dribbler, c’était la joie de vivre.
Le jeu doit se jouer haut. Le gardien doit chercher ses ballons un peu plus loin pour rassurer sa défense. Aujourd’hui, on a de bons gardiens mais on n’en a plus des très bons comme les générations précédentes.
Tu avais un style assez fantasque sur le terrain.
En effet, j’avais un style qu’on peut qualifier de fantasque. Je rentrais sur le terrain avec des chaussettes de couleurs différentes et des maillots de couleurs peu communes. J’ai même fait comme les footballeurs américains en me mettant des traces noires sous les yeux lors d’un derby. Ça ne dérangeait personne. Je rentrais sur le terrain avec la volonté de gagner le match. Regarde, quelques années après les gants sont multicolores, les maillots aussi. On faisait les choses avant l’heure.
Quels sont les conseils que tu pourrais donner aux gardiens de but ?
Le gardien est le plus important, mais tout le monde ne comprend pas le gardien de but. Pour les plus jeunes, il faut travailler le jeu au pied et les sorties aériennes. Jouer avec l’intelligence de ne pas rester sur sa ligne, savoir fermer les angles et vous aurez tout compris. Il est presque plus facile de ne plus plonger aujourd’hui. Il suffit d’avoir un bon placement.
Quel bilan tires-tu de ta carrière et quels sont tes meilleurs souvenirs ?
Ma carrière a presque duré vingt ans. Mes plus beaux souvenirs sont avec Marseille. Le président de ma carrière est Jean-Luc Lagardère. J’ai eu cette chance de jouer dans les trois plus grandes villes de France : Paris, Lyon et Marseille. Je le souhaite à tout le monde. Jouer à Marseille… Et Paris, p***** si ça avait marché… C’est dommage !
Comment expliques-tu le fait que tu sois resté dans les mémoires des gens ? Tu es considéré comme un personnage emblématique du football français au cours des années 90.
Tout simplement parce que j’avais cette joie de vivre. Quand tu te bats pour ton club, tes supporters et tes couleurs, ça marque les gens. Ne pas être souriant et jouer juste pour prendre un chèque, ce n’est pas la vie. Tu t’ennuies de cette façon-là.
À quoi se résume ta vie aujourd’hui ?
Au bonheur que le football m’a donné. C’est tout ce que je vis tous les matins en regardant la mer. Là je suis en train de te parler et je regarde la mer. C’est grâce à des hommes, à Lagardère, à mes parents qui m’ont inculqué des valeurs comme le respect. Se rappeler d’où l’on vient et vouloir réussir à tout prix. Le plus important est de regarder les autres et de les aider. C’est la force d’un être humain qui te fait avancer.
Tu as un dernier mot pour les supporters du Racing ?
Mon cœur est avec vous. Tu peux l’écrire et le dire parce que c’est fabuleux mais le jour où j’ai débarqué à Colombes pour la première fois, c’était quand j’étais jeune en tant que lanceur de poids en athlétisme. Je m’étais fait voler toutes mes affaires. Je me suis dit, plus jamais je ne remettrai les pieds ici. Quelques années plus tard, j’ai signé au Matra Racing et je suis donc retourné à Colombes.
Et j‘y reviendrai un jour ! Je passe un bonjour à tout le monde. Allez Racing !
Interview réalisée par Dalil BOUCHAKOUR.